Focus n°61 : Lu Noyan

Amoureux de la nature et de l’artisanat, Marianne vous ouvre les portes de son atelier et vous explique en quoi consiste son métier et ce qu’est la vannerie.

  • Nom de l’Entreprise/Statut/Nombre de salariés/Date création entreprise

Le nom de mon atelier, est Lu Noyan ce qui signifie « le nid ».

Pour la petite histoire, quand j’ai commencé la vannerie, une personne âgée du village est venue et s’est dit « oh lu noyan » en regardant mon tout premier panier. Je lui ai demandé ce que cela signifiait et elle m’a répondu que ça lui évoquait les paniers, les nids,  que l’on suspendaient autrefois dans les granges avec du foin pour permettre aux poules de venir pondre. Ce mot en patois gaumais m’a plu et c’est donc tout naturellement que j’ai décidé de le garder pour mon atelier.


J’ai toujours été dans les végétaux, depuis toute petite, je suis une passionnée. J’ai étudié l’horticulture à Izel puis j’ai travaillé en pépinière, chez un fleuriste et en maraichage bio. Quant à la vannerie, je la pratique depuis longtemps, cela fait au moins 15 ans que je m’y intéresse, mais c’est en 2014 que je me suis lancée en tant qu’indépendante complémentaire et en 2018, j’ai franchi le cap en en faisant mon activité principale.

Quand j’ai commencé à vraiment m’intéresser à la vannerie, je suis allée apprendre chez des personnes âgées de Rossignol et d’Ansart qui utilisaient surtout le noisetier pour faire des volettes, des paniers,.. Le noisetier est typique de la région, on en trouve partout. J’ai donc débuté mon apprentissage avec ce végétal avant d’en découvrir bien d’autres.

Aujourd’hui, je fais de la vannerie sauvage, c’est-à-dire que je vais chercher ce dont j’ai besoin dans la nature. Mais pour arriver au produit final, il y a plusieurs étapes à suivre.

Il y a tout d’abord la récolte des branches. Vient ensuite le triage (par longueur et par calibre), le séchage et une fois complètement sec, le trempage en pleine eau pour les réhydrater et les manipuler.

Classiquement, ce que les vanniers font, c’est de tout sécher, afin de tuer la cellule puis tout réhydrater dans de grands bassins. Lorsque je dois tremper mes branches, je vais soit à la fontaine à Villers pour les grandes longueurs soit à Tintigny pour les plus petites. J’ai de la chance d’en avoir pas loin car celle du village, qui est classée, n’a pas d’eau et est donc inutilisable.
Une fois dans l’eau, la durée de réhydratation dépend du calibre des végétaux. Il faut au moins 15 jours pour les gros calibres mais la météo a aussi son rôle à jouer. Le temps de trempage varie selon les saisons. En hiver, il faut plus longtemps qu’en été.


Ici, je travaille davantage avec du frais. Je vais récolter les branches et je les utilise dans les semaines qui suivent. Jamais le jour même car avec le temps, les branches sèchent et perdent en grosseur. Pour un objet de décoration qu’on ne va pas trop manipuler, ce n’est pas trop gênant. Mais pour un panier, s’il a trop de jeu et de jour, ça ne va pas du tout, on ne pourra pas mettre de poids dedans.
Il faut donc faire attention de ne pas travailler le frais trop vite mais, l’avantage, c’est qu’en travaillant le frais, les couleurs sont conservées et sont plus lumineuses.


J’utilise différentes espèces de végétaux que je trouve dans un rayon de quelques kilomètres autour de chez moi. Il y a par exemple : le houblon, le tilleul, le noisetier, le chèvrefeuille, hêtre, le saule (vert, jaune, rouge,…),etc. J’utilise également plusieurs types de branches, elles ne sont pas toutes droites et sans défaut car c’est justement ces petits défauts, qui font leur originalité. Certaines sont tordues par le chèvrefeuille, d’autres rongées par les vers (sans être pourries, sinon on ne pourrait plus rien en faire),… Et puis, il y a aussi les racines (de sapins, d’orties,..), le chiendent, la paille, la ronce ou encore les graminées telle que la molinie qu’on récolte dans les fonds de vallée. Cependant, pour cette dernière, avec les années de sécheresse que l’on traverse, j’ai décidé de ne plus en récolter. Comme tout tient en équilibre dans la nature grâce à la diversité, si je n’ai plus la molinie, il me suffit de la remplacer par d’autres plantes.

Je crée donc des objets grâce aux récoltes mais aussi avec une partie de récupération (sacs jute, cuir,…) que l’on m’apporte. Cependant, pour une question d’éthique et de traçabilité, je préfère savoir comment a été fabriqué ce que je récupère et d’où proviennent ces produits avant de les utiliser.

Et c’est donc grâce à ce que je récupère et surtout grâce à cette grande diversité que nous apporte la nature que je crée des pièces uniques, tant au niveau de la composition, de la conception que de l’habillage.

  • Depuis quand habitez-vous la commune ?

Je suis originaire de Tintigny. J’ai grandi ici.

  • Pourquoi s’être installée ici ?

Tout simplement parce que j’y ai toujours vécu et que la région me plaisait.

  • Quels services proposez-vous ?

Mes services peuvent être scindés en 3 branches : Artisanat/Création – Atelier (enfants et adultes) – Rénovation

Pour ce qui est de l’artisanat, je travaille sur commande, de particuliers ou de privés mais j’invente aussi des modèles. J’ai déjà créé : abat-jour, chapeau, panier, voile, déco telle que arche, cœur, corne d’abondance, œuf, couronne, sphère, animaux,… Il n’y a pas de limite à la création. À partir d’une branche, on peut créer beaucoup de choses qui peuvent par la suite être détournées afin d’être utilisées de différentes manières.
Il y a la possibilité d’acheter mais aussi de louer mes produits. C’est ce que les gens choisissent le plus souvent que ce soit pour une vitrine de magasin, un mariage, un anniversaire ou tout autre événement.

Pour certaines commandes, il m’arrive de travailler avec d’autres artistes. À Neufchâteau par exemple, j’ai travaillé avec Christian Kellen, un passionné d’histoire de la ville. Il est d’ailleurs à l’origine de la maquette de Neufchâteau. Ensemble, nous avons réalisé un phœnix pour lequel nous sommes partis d’une structure métallique existante. Souvent, mes créations sont 100% végétales mais là, c’était un petit challenge que de l’habiller et de s’adapter à sa forme afin de donner vie à un phoenix. Nous avons également réalisé une archère que l’on nous a commandé une 2e fois. Même si la structure ne sera pas la même, c’est tout de même très rare qu’on me commande deux fois la même chose.

Ensuite, en ce qui concerne les ateliers, je n’en propose jamais chez moi mais je me déplace, que ce soit dans les écoles, les parcs,… Dans les écoles par exemple, les ateliers débutent dès 3 ans. À cet âge-là, on va jouer davantage sur le sensoriel, le tactile donc c’est l’idéal.

Un type d’atelier que je propose pour les enfants est par exemple l’impression végétale. Pour réaliser cette impression, c’est très simple, il suffit d’une plante et d’un support. On pose la plante, on la frappe et les couleurs vont passer de la plante au support et donner ce côté impression.

Quant aux adultes, il y a des ateliers chapeaux, paniers, hotte,… Prochainement, je serai au festival de vannerie « Saule en vie » à Monquintin où je proposerai un atelier hotte en vannerie sauvage. Je me suis inspirée d’un tableau de Félicien Jacques pour ce thème donc ça reste très local. Pour ce type d’atelier, on est souvent autour de 8-10 personnes. Certains sont manuels, d’autres non donc je repars toujours de zéro afin que tout le monde ait le même bagage et un savoir identique pour se lancer. Ici, il se déroulera sur 2 jours car on ne va pas juste réaliser la hotte, on va aussi s’arrêter pour récolter et découvrir les matières que j’aurai apporté. J’aime qu’on prenne son temps, que ce soit pour créer l’objet ou pour découvrir les plantes.

Mes ateliers ne sont donc pas de simples ateliers de création, ils sont aussi des ateliers de transmission aux adultes et aux enfants. Je leur transmets mon savoir, mes connaissances et leur montre le côté récup’ et recyclage de mon métier. A travers des ateliers simples, ces personnes se rendent compte que leur maison regorge de trésors qu’il n’est pas nécessaire d’aller acheter en magasin. On peut même détourner des ustensiles de leur utilité première pour les utiliser d’une autre manière. Par exemple avec un tournevis en croix que l’on meule pour obtenir un poinçon. Rien ne se perd.

Je travailles souvent également avec les parcs de la région pour des ateliers : Parc naturel de Gaume, Haute sûre forêt d’Anlier, Parc naturel d’Attert et aussi avec les Créateliers qui interviennent sur les communes de Chiny et Florenville

Enfin, je propose aussi de la rénovation d’objets. Une chaise, un fauteuil, un panier, un chapeau,…les demandes sont variées mais souvent il y a un attachement sentimental aux objets que l’on m’apporte. Plutôt que de le ranger dans un grenier ou le jeter, on vient me voir afin de lui donner une seconde vie. Certaines demandes sont précises et pour d’autres, on me laisse le rénover comme je le souhaite, avec les végétaux que j’ai à disposition à ce moment-là. Bien évidemment, il arrive qu’il y ait du synthétique sur l’objet. Je n’en utilise pas mais dans ces cas-là, je fais avec.

  • A qui s’adressent-ils ?

A tout le monde, petits et grands, passionnés ou curieux d’en découvrir davantage sur la vannerie. Je réalise des objets tant pour les particuliers que pour les privés (communes, entreprises,…).

Ce qui est bien dans mon métier, c’est que tout est unique et diversifié. Il n’y aura jamais 2 fois le même objet.

  • Pouvez-vous résumer votre entreprise en 3 mots ?

Transmission – Diversité – Durable

  • Qu’envisagez-vous pour l’avenir ?

Continuer de transmettre ma passion, mes valeurs et mes connaissances sur la vannerie et les plantes en général. Mais aussi continuer de montrer que la nature nous apporte beaucoup, qu’il existe une telle diversité qu’il est possible de réaliser énormément de choses sans pour autant aller acheter tout en magasin du coin sans oublié la récup’, le recyclage et le détournement d’ustensiles du quotidien.

Et toujours garder en tête que la nature est fragile, qu’il faut en prendre soin.

Coordonnées

Lu Noyan
Rue du Monument – 14
6730 Ansart
Mail : [email protected]
FB : https://www.facebook.com/lunoyan